Société des musées du Québec

À la rencontre de pionnières de la Nouvelle-France

Claude Benoît, muséologue

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Arrivée des Hospitalières à Québec, Sœur Marie-Blanche Lemieux, dite de Sainte-Marie, 1922  © Collection du Monastère de l’Hôtel-Dieu de Québec

De la fondation du premier hôpital en Nouvelle-France à la création de la première école, des pionnières – religieuses et laïques – ont joué un rôle crucial dans l’organisation de la société québécoise. Les musées de leur congrégation rappellent à notre mémoire leur legs inestimable.

 Marie Guenet et Marie Guyart : une empreinte durable dans l’histoire du Québec

Québec, 1639. Les premières augustines et ursulines débarquent du même navire, le Saint-Joseph. Soigner et éduquer, telle est leur mission.

Marie Guenet, dite de Saint-Ignace, mène ses compagnes augustines. Elle a fait vœu de consacrer sa vie à la conversion des Autochtones après sa guérison d’une maladie considérée comme mortelle, la peste. Elle quitte la France avec pour mission d’ériger le premier hôpital en Amérique, au nord du Mexique. Marie-Madeleine de Vignerot, duchesse d’Aiguillon et nièce du cardinal de Richelieu, la soutient moralement et apporte un appui financier à son œuvre. L’Hôtel-Dieu de Québec sera inauguré en 1644.

L’exposition Augustines : soigner corps et âme au Monastère des Augustines de Québec illustre avec émotion l’héritage impressionnant de Marie Guenet et de sa communauté. En effet, ces religieuses, propriétaires et gestionnaires de 12 monastères-hôpitaux, infirmières et pharmaciennes, ont jeté les bases du système de santé au Québec. 

Marie Guyart
Marie de l’Incarnation, icône de Jeanne Vanasse, 1997
© Collection Musée des Ursulines de Trois-Rivières

Marie Guyart, dite de l’Incarnation, guide le groupe des ursulines. En 1631, la jeune veuve abandonne son père et confie son fils à sa sœur pour entrer au noviciat des Ursulines de Tours en France. Obéissant aux inspirations divines qui l’habitent, elle se renseigne sur les missions en Nouvelle-France par les Relations des Jésuites. Au même moment, elle fait la connaissance de Marie-Madeleine de Chauvigny de la Peltrie, une veuve ayant le dessein de se consacrer à la conversion des Autochtones. À leur arrivée, elles fondent le monastère des Ursulines de Québec. Elles ouvrent également la première école pour filles en Nouvelle-France dont l’objectif est de faire des jeunes Françaises et Autochtones des femmes instruites, cultivées et capables d’esprit critique.

Les expositions L’Académie des demoiselles au musée du Pôle culturel du Monastère des Ursulines de Québec et Plus de 300 ans de mémoire vive au Musée des Ursulines de Trois-Rivières témoignent de la révolution pédagogique qu’elles ont accomplie. Ces expositions démontrent avec justesse qu’en faisant de leurs institutions des établissements bilingues multiconfessionnels où tous les champs d’études sont mis en valeur, les Ursulines ont marqué le développement de l’école québécoise moderne.

 

Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys : au cœur de la fondation de la métropole

Par leur détermination et leur résilience, Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys ont imprimé un caractère unique à Montréal. Première infirmière laïque du Canada, Jeanne Mance fonde Ville-Marie aux côtés de Maisonneuve. Marguerite Bourgeoys, pour sa part, ouvre la première école de Ville-Marie, convaincue qu’une solide éducation contribue à la construction d’une société plus juste. 

Jeanne Mance
Portrait de Jeanne Mance, L. Dugardin, 19e siècle
© Collection des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph

En 1641, Jeanne Mance s’embarque avec Maisonneuve pour la Nouvelle-France dans le but de fonder une société où Français et Autochtones convertis pourront vivre en paix et prospérer. Avant de partir, elle convainc la riche veuve Angélique Faure de Bullion de financer la construction d’un hôpital. Jeanne Mance ouvre d’abord un dispensaire à l’intérieur du fort, avant de faire ériger l’Hôtel-Dieu en 1645. Elle en sera l’administratrice jusqu’à sa mort. En 1659, à bout de forces, elle recrute en France trois sœurs Hospitalières de Saint-Joseph pour venir l’aider. Elle établit pour les accueillir la première communauté religieuse féminine de Montréal. Les Hospitalières assureront la gestion de l’hôpital jusqu’à ce que le gouvernement du Québec prenne à sa charge les soins de santé dans les années 1960.

Le Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal raconte l’histoire de cette collaboration laïques-religieuses exceptionnelle. L’exposition Un patrimoine hospitalier à découvrir témoigne de cette complicité qui donne la force d’agir à toutes ces femmes remarquables ainsi que de leur sens du travail bien fait. Ces qualités ont, sans conteste, influencé l’évolution des soins et des sciences de la santé au Québec.

Marguerite Bourgeoys
Marguerite Bourgeoys, John Henry Walker, 19e siècle
© Musée Marguerite-Bourgeoys 

Membre externe de la Congrégation de Notre-Dame à Troyes, Marguerite Bourgeoys fait la connaissance, en 1652, de Maisonneuve. Elle décide de le suivre pour s’impliquer dans son projet missionnaire à Ville-Marie. Dès 1655, elle entreprend la construction de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours qui deviendra un lieu de pèlerinage incontournable. En 1658, elle accueille ses premiers élèves dans une étable, la première école, où des jeunes apprennent à lire, compter, écrire et reçoivent des leçons de catéchisme. Dix ans plus tard, elle fait l’acquisition d’un domaine agricole à Pointe-Saint-Charles afin d’y accueillir les Filles du Roy et d’assurer l’autosuffisance de sa communauté de sœurs enseignantes. En 1698, elle reçoit enfin la confirmation de la mission éducative de sa congrégation non cloîtrée; son long travail pour faire reconnaître sa vision et ses valeurs a porté ses fruits! Marguerite prend ainsi, quelques années avant sa mort, le nom de sœur Marguerite du Saint-Sacrement.

Le Musée Marguerite-Bourgeoys dans le Vieux-Montréal expose fièrement les réalisations de cette femme courageuse, animée par la foi et la compassion. Sous la nef de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, des vestiges archéologiques révèlent, entre autres, les traces d’une chapelle en pierre et les restes de la palissade de bois formant la fortification de la ville en 1709. À la Maison Saint-Gabriel, musée et site historique, plus de trois siècles d’activités agricoles et éducatives reprennent vie. On y mesure pleinement l’héritage laissé par la Congrégation de Notre-Dame pour l’avancement des femmes.