La gouvernance des institutions muséales :
guide à l'usage des directions et des conseils d'administration

Les guides électroniques de la SMQ

 

4.7 Prévenir les risques

Le CA de toute institution muséale qui a la responsabilité de collections devrait se doter d’une politique de gestion du risque adoptée en bonne et due forme. Toutefois, que l’institution ait des collections ou non, une telle politique précise le niveau de risque en évaluant le fonctionnement interne et l’organisation par une analyse des processus et une identification des risques. Cette politique vise entre autres à :

  • Identifier les zones sensibles.
  • Mettre en place des contrôles appropriés et suffisamment étendus portant sur le projet institutionnel lui-même, son accessibilité et sa transparence.
  • Garantir la cohérence des règles et du fonctionnement statutaires.
  • Établir les rôles des dirigeants salariés et bénévoles, la répartition des pouvoirs.
  • Exercer le contrôle touchant les finances, l’aspect juridique, le personnel, etc.

* À noter : Afin de positiver l’exercice du CA ou le mandat d’un comité lié à la gestion des risques, le repérage systématique de ceux-ci permet également de trouver des occasions favorables pour le musée. Il appartient ensuite au CA de retenir celles qui s’inscrivent dans les orientations stratégiques ou dans la vision à long terme du musée.

Dans un premier temps, le CA ou le comité ayant le mandat d’examiner les risques potentiels cherchera à évaluer, à identifier ou à modifier à la fois la probabilité que surviennent des événements pouvant avoir un impact négatif sur le musée, comme la nature de l’impact lui-même. Par exemple, un plan de mesures d’urgence, comprenant un volet dédié à la gestion des collections en situation de sinistre, s’avère un exemple concret de politique de gestion de risque qu’il faut par ailleurs communiquer clairement et périodiquement aux membres du personnel.

4.7.1 Régler les cas de conflits d’intérêts et d'abus de confiance

Conflit d’intérêt

« Les administrateurs doivent agir avec loyauté en tout temps. Le devoir de loyauté oblige les administrateurs à éviter rigoureusement tout conflit d’intérêts. Les administrateurs ne peuvent profiter d’une façon quelconque de leur relation avec la société. S’ils le font, ils doivent rendre compte à la société de l’avantage reçu. Les administrateurs ne peuvent se placer en situation où leur devoir d’administrateur entre en conflit avec leurs intérêts ou leurs obligations envers d’autres. »

Jane Burke-Robertson. « Devoirs des administrateurs », Guide à l’intention des administrateurs des sociétés à but non lucratif. Droits, Fonctions et Pratiques, Canada, Industrie Canada, 2002, p. 26.

Conflit d’intérêts
Le risque intrinsèque à la gouvernance concerne au premier chef le conflit d’intérêts ou l’apparence de conflit d’intérêts. Lié à des comportements douteux, contraires aux obligations des administrateurs, il mine la confiance et la solidarité du CA en plus d’avoir des conséquences négatives sur le devenir du musée. Une saine gouvernance tentera toujours d’écarter scrupuleusement ce risque qui, tout comme l’abus de confiance, est à proscrire. À ce sujet, la jurisprudence reste sans équivoque : le conflit d’intérêts est condamnable.

* À noter : En matière de protection, un administrateur qui se retrouve en position de conflit d’intérêts doit déclarer au CA sa position. Dès lors, si le CA accepte sa situation, ce membre ne pourra plus prendre part au vote ni aux discussions. Ces exigences législatives respectées, l’administrateur ne sera pas tenu de rendre compte de l’avantage reçu, même s’il est jugé indu.

L’abus de confiance
Cette forme d’abus s’apparente au conflit d’intérêts dans la mesure où l’honnêteté et la motivation de l’administrateur ou du dirigeant sont en cause. L’abus de confiance survient lorsqu’un dirigeant ou un administrateur n’informe pas l’ensemble du CA de décisions stratégiques qu’il a prises ou dont il a intentionnellement dissimulé l’importance.

4.7.2 Clarifier les rôles et les responsabilités

La direction

« Le directeur général est le pivot central autour duquel tourne tout le dynamisme d’une association. En effet, il est la personne qui sait tout de l’organisation. De par sa position, il travaille étroitement avec le Conseil d’administration [sic] et le président dans leurs rôles respectifs; il connaît les administrateurs et peut compter sur leur disponibilité. De plus, il se trouve au carrefour de l’ensemble des activités de la permanence, que celle-ci soit composée uniquement d’un secrétaire ou comprenne plus de cent (100) employés. Il est souvent la figure dominante chez les membres (et les donateurs), de sorte que c’est vers lui qu’on se tourne lorsque l’on veut « parler au patron » [...] Il en est également l’âme dirigeante. À ce titre, il est en quelque sorte un entrepreneur qui tient à faire croître l’entreprise dont il a la responsabilité. »

Roméo Malenfant. La gouvernance stratégique d’un organisme sans but lucratif, sa dynamique, ses composantes, 5e édition révisée, Saint-Nicolas, Éditions D.P.R.M., 1999, p. 248 et 252.

Une façon éprouvée de prévenir les risques à la base demeure la clarification des rôles et des responsabilités des deux composantes servant de piliers à l’institution muséale, soit le CA et la DG, tout comme les interrelations existant entre eux.

  • Le CA définit la nature du mandat, les tâches et responsabilités particulières de la DG ainsi que les pouvoirs qui lui sont attribués.
  • La DG est responsable de la gestion de tous les aspects du musée, à l'exception des pouvoirs et des fonctions expressément réservées au CA ou aux membres en vertu de la Loi et des règlements généraux.
  • La DG détient le pouvoir de prendre des décisions dans la zone définie par le CA.
  • La DG soumet au CA toute question qui semble excéder ses prérogatives.

Œuvrant en complémentarité, le CA et la DG doivent bien comprendre les limites de leurs responsabilités respectives. La DG informe le CA de l’élaboration des politiques, voit à leur mise en œuvre, énonce les principes directeurs et assume la responsabilité de la gestion quotidienne du musée.

Les administrateurs devraient attendre de la DG que celle-ci :

  • Assiste aux réunions du CA et des comités. 
  • Présente des rapports complets et des recommandations ayant trait aux finances et aux programmes du musée. 
  • Soumette en temps opportun des informations pertinentes sur des questions touchant l’exercice des rôles et des responsabilités du CA.
  • Entretienne des relations franches et sincères, qui font primer les intérêts du musée sur tout autre enjeu.

4.7.3 Établir la nature de la relation entre le conseil d’administration et le personnel

Le CA doit veiller à ce que les responsabilités quotidiennes de la préservation des collections, de l’accès du public, de la mise en œuvre de la programmation, incluant les services éducatifs, et d’autres fonctions soient déléguées à des employés correctement formés et en nombre suffisant. Toutefois, le CA ne traite directement qu’avec la DG, qui est responsable de l’engagement, de la formation et de l’évaluation des employés et des bénévoles, conformément à des politiques établies.

Bien que la gestion courante incombe aux employés, il peut être pertinent de donner aux administrateurs et aux membres du personnel l’occasion d’échanger, par exemple en invitant des employés à faire des présentations lors des réunions du CA.

4.7.4 Renforcer la collaboration entre le conseil d’administration et la direction générale

Œuvrer de concert

« Le président est une émanation du conseil d’administration qui l’a élu. Le directeur général relève également du conseil d’administration qui l’a choisi pour devenir son principal gestionnaire, son mandataire dans l’accomplissement des tâches essentielles à la réalisation de la mission de l’organisation.

L’un et l’autre ont le devoir de travailler ensemble. L’un n’est pas le subordonné de l’autre sous prétexte que l’un est bénévole et l’autre rémunéré. L’un et l’autre ont un rôle essentiel à jouer, rôle qu’ils ne peuvent assumer sans la complicité, le partenariat de l’autre. C’est, dans une certaine mesure, grâce à eux que les résultats se réalisent.

La dynamique entre les deux fait que l’un et l’autre participent à l’élaboration de la vision de l’organisation. »

Roméo Malenfant. La gouvernance stratégique d’un organisme sans but lucratif, sa dynamique, ses composantes, 5e édition révisée, Saint-Nicolas, Éditions D.P.R.M., 1999, p. 154.

Différents modèles de gestion définissent les rôles et responsabilités de chacun. Le plus usuel consiste en une gestion traditionnelle où le CA dirige et supervise les opérations par le truchement de comités, mais délègue les fonctions de gestion à la DG. Dans ce modèle de gestion commun aux musées, la présidence supervise les activités du CA.

Pour sa part, la DG, en tant que mandataire choisie par le CA, gère le personnel, étant la seule à avoir ces prérogatives en la matière. Cependant, elle ne peut ignorer son statut de subordination au CA, tout en sachant que l’inverse est impossible.

Par conséquent, le CA doit considérer le recrutement de la DG comme une responsabilité de premier ordre, voire sa raison d’être. Ce choix vise à assurer la continuité et la stabilité à long terme qui seront garantes de la progression de l’identité même du musée.

En ce sens, la DG, semblable à un alter ego du CA tout en lui étant dépendante, donne le ton lorsqu’il y a un problème. C’est vers elle que l’on se tourne, notamment en ce qui a trait à la déontologie muséale. Le devoir du CA, consiste à donner force et mobilité à la DG, tout en l’encadrant et en l’évaluant.

4.7.5 Se préoccuper des zones d’incertitude

Un CA et une DG qui ne s’efforcent pas de réfléchir à la gouvernance et qui n’élaborent pas des politiques communes risquent d’errer et, probablement malgré eux, de laisser l’abus se frayer un chemin.

Dans un tel contexte de risque potentiel, tout processus d’évaluation ou d’auto-évaluation serait susceptible de glisser dans l’arbitraire et d’avoir très peu de prise sur la réalité, voire de crédibilité, pour l’une ou l’autre des parties. Même la tenue ou la qualité des réunions du CA risque d’être perturbée.

Tous les éléments se verraient alors réunis pour qu’une crise appréhendée dégénère en conflit et prenne des proportions très dommageables.

C’est pourquoi, malgré la compréhension mutuelle des prérogatives de chacune des parties, rien ne doit être tenu pour acquis. Les dirigeants devraient examiner, régulièrement, leur gouvernance, sans éluder les problèmes, sans ménager les susceptibilités inappropriées. En outre, même s’il n’y a rien à corriger, le fait de réaffirmer des règles et des politiques qui permettent d’éviter les zones d’incertitude et qui assurent l’efficacité du CA s’avère un exercice pertinent.

4.7.6 Se soucier de la cohérence entre des textes réglementaires et contractuels

Pour éviter que la DG préside et que la présidence dirige, plusieurs outils administratifs garantissent une bonne répartition des rôles et des responsabilités.

Si la diligence du CA doit s’incarner dans la gouvernance, c’est bien dans le domaine législatif, puisque la responsabilité d’élaborer des documents constitutifs lui incombe. À la base, la définition des rôles tient dans des documents de référence servant de prélude à tout recrutement de ressources humaines : des règlements généraux qui précisent les responsabilités des administrateurs et de la DG.

Par ailleurs, un contrat en bonne et due forme, incluant une description de tâches, une liste des objectifs à atteindre et le mode d’évaluation, lie la DG et le CA. Les administrateurs doivent veiller à la cohérence des documents administratifs afin qu’ils reflètent adéquatement les règles en vigueur. Plus ces documents seront précis, moins il y aura de risque de confusion dans le partage des rôles et des responsabilités. Tout écrit, notamment concernant l’évaluation de la DG, gagne à être réalisé avec célérité.

Prenant appui sur les mêmes sources, la dialectique que forme cette suite d’actions devra être logique et refléter le plus fidèlement possible les différents échanges entre le CA et la DG.

4.7.7 Mettre en œuvre des politiques pour augmenter son efficience

Le but de politiques d’encadrement est simple : éviter la confusion qui dégénère en crise, larvée ou non, laquelle peut dégénérer en conflit ouvert. Une bonne politique peut tenir en une ou deux pages, mais une fois adoptée, les doutes et les flous se dissipent. Le risque ainsi écarté permettra de jeter du leste, d’améliorer la gestion quotidienne et de favoriser une productivité cohérente, assurant du même coup l’efficacité et l’efficience des ressources. La précision des rôles et des responsabilités de chacun des pôles de gouvernance fait aussi en sorte de donner les coudées franches à la DG et de faciliter son champ d’action.

Attention! Si toute action du musée fera ultérieurement l’objet d’une reddition de comptes, toutes les actions quotidiennes n’exigent pas une autorisation au préalable.

* À noter : Un flou administratif ou un contrôle excessif du CA doit être évité tout comme l’imposition d’un carcan décisionnel ou des demandes d’approbation préalable à répétition. La proactivité de la DG doit en effet être considérée comme stratégique par les administrateurs.

Une gouvernance pragmatique a aussi pour conséquence de sélectionner les véritables enjeux et les principales questions à délibérer lors des réunions du CA. Elle permet également d’asseoir l’évaluation et l’auto-évaluation des parties sur des critères objectifs.

* À noter : Si la répartition des rôles et des responsabilités est incomplète et l’action posée à l’égard d’une situation s’avère inappropriée, il faut agir avec diligence plutôt que chercher à blâmer un tiers, en donnant le bénéfice du doute à la partie impliquée et en sachant tirer profit de cette expérience.

La meilleure garantie pour favoriser la clémence dans les relations des dirigeants repose dans le respect mutuel. Une forme de souplesse intellectuelle permet à la fois de déconstruire ses perceptions en écoutant d’autres points de vue, tout en exerçant son jugement pour arriver à une nouvelle compréhension des dossiers, à une volonté de poser des questions parfois difficiles et d’y répondre puis de regarder en face les problèmes de chevauchement lorsqu’ils se posent.

4.7.8 Exemples de dysfonctionnement à la direction générale

Un scénario possible présente une DG qui élague l’ordre du jour des réunions du CA pour se donner le maximum de latitude ou l’apparence d’un plein contrôle des opérations courantes. Certaines directions iront jusqu’à manipuler, par différents subterfuges, l’ordre du jour pour faire en sorte que les points les plus importants passent sans que de véritables discussions aient lieu. Il s’agit alors d’un abus de confiance de la part de la DG (voir 4.7.1.).

Cette tendance à réduire considérablement le rôle du CA en le rendant myope découle souvent du fait de vouloir agir seul sans avoir de comptes à rendre, comme si le travail avec le CA était une corvée, un fardeau. Une telle attitude peut devenir le prélude à des distorsions réelles dans l’organigramme, à des relations tendues entre le CA, la direction et le personnel, voire à de l’insubordination. 

Elle est également symptomatique d’une possible tendance de la DG à dissimuler des entorses à la déontologie, voire à procéder à des manipulations comptables et à fausser les outils de gestion du CA.

* À noter : Un tel héliocentrisme ou autarcie d’une DG constitue l’un des principaux pièges tendus au CA qui doit s’aguerrir de prévoyance et de prévenance dans ses rôles et responsabilités. Aucune institution ne doit être le fait d’une seule personne, aussi compétente soit-elle. 

4.7.9 Exemples de dysfonctionnement à la présidence

L’ingérence de la présidence ou d’un comité trop « exécutif » dans les prérogatives de la DG est une autre facette reconnue d’une gouvernance déficiente.

Si l’avantage d’initié dont jouit la DG en étant sur le terrain peut représenter un risque favorisant l’abus de confiance, le lien de dépendance de la DG envers le CA peut, quant à lui, engendrer de l’ingérence. Celle-ci par ailleurs s’apparente à un abus d’autorité et traduit un lien hiérarchique inadéquat.

Si le CA ne tend pas à s’autoévaluer convenablement et à définir les rôles efficacement, la DG n’aura d’autre recours que de faire valoir ses prérogatives, d’abord à la présidence, toujours avec diligence et rigueur.

Si la présidence ou le comité exécutif persiste à s’ingérer dans les affaires de la direction ou à exercer un contrôle indu, le préjudice peut être tout aussi grave que l’abus de confiance.

  • En dernier recours, la direction devra soulever tout problème d’abus de la présidence au CA et esquisser une solution à cette situation, notamment en forçant la clarification des politiques adoptées afin de résoudre définitivement cette situation.
  • Laisser l’ingérence objective d’une présidence ou d’un comité exécutif dans les affaires de la direction (voir 2.1.) fera en sorte qu’à terme, cette présidence sera juge et parti. Dans un tel contexte, il peut arriver que les présidences s’approprient le crédit des situations positives et rejettent le blâme de résultats négatifs sur la direction, affectant par le fait même tout processus honnête et équitable d’évaluation.
  • Une présidence qui persiste à s’ingérer dans les affaires de la direction abuse de son autorité et, par voie de conséquence, de la confiance du reste du CA. Or, ce scénario de gouvernance déviante et de conflit existe bel et bien. C’est au CA d’établir les règles pour la présidence comme pour la DG.

* À noter : Des règles de gouvernance à la défaveur de l’ingérence du CA dans les prérogatives de la DG et de son évaluation peuvent faire l’objet d’un article dans les règlements généraux, ainsi libellé. « Tout administrateur désirant postuler à la direction générale ou à un poste rémunéré, ou non, dans le musée, doit démissionner du conseil d'administration longtemps avant de se porter candidat ».

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